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Ascension du Mont Aiguille par la voie normale : notre expérience (atypique)

Le Mont Aiguille est LA montagne la plus emblématique du Vercors. Berceau de l’alpinisme, elle a toujours intrigué, et était même surnommée « le Mont Inaccessible ». Et depuis que j’avais découvert cette montagne dressée en solitaire (lors de mes escapades hivernales dans le Dévoluy), je rêvais d’escalader le Mont Aiguille. Alors un grand week-end, des conditions météo favorables, un amoureux aussi motivé que moi par le projet… il n’en fallait pas plus pour partir à l’assaut de cette légende de l’alpinisme.

Notre ascension ne s’est pas passé complètement comme nous l’avions prévu 😉 et a été une montagne russe émotionnelle, mêlant des moments intenses et des moments de pause et de contemplation. Je vous propose donc un article un peu atypique pour vous conter notre expérience, mais aussi (et surtout !!) vous aider à préparer votre ascension avec le plus d’infos possibles pour éviter nos erreurs 🙂

>> Notre ascension du Mont-Aiguille
récit d’une aventure atypique

>> Préparez votre ascension
quelques infos pratiques et conseils

Notre ascension du Mont-Aiguille

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10h 45
Le début de cette épopée. Nous partons rejoindre le pied du Mont-Aiguille depuis le hameau de la Richardière. Le temps humide des derniers jours a laissé des traces sur le sentier, qui se transforme ponctuellement en toboggan de boue. Mais déjà, le sommet majestueux se profile à l’horizon, nous permettant de prendre conscience de la hauteur à grimper.

marche d'approche du mont aiguille, dans la forêt
vue sur le mont aiguille, depuis le sentier de marche d'approche

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13h
Alors que l’on arrive au pied du Mont Aiguille, les bouquetins semblent nous accueillir, comme des gardiens de ce royaume. Les névés, vestiges de l’hiver passé, annoncent déjà que les dernières longueurs de grimpe risquent d’être encore enneigées. Une petit pause casse-croûte laisse passer le temps nécessaire aux 3 cordées qui nous précèdent de débuter leur ascension.

au pied du mont aiguille, un mur devant nous, 300metres de falaises
les bouquetins nous accueillent au pied du mont aiguille

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13h40
Nous débutons l’ascension verticale à notre tour. C’est parti pour 8 longueurs (annoncées mais c’est sans compter les passages de via ferrata) et 300mètres de grimpe.

premier point de la voie normale. Un equipement des années 1800
Le premier point de la voie normale. Un équipement qui date !
sommet du mont aiguille dans les nuages

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14h50
On a rattrapé la cordée précédente dès la 3° longueur. C’est le début de l’attente (et on ne le sait pas encore le début des emmerdes!)

voie normale du mont aiguille

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15h39
Le temps s’étire comme un élastique, tendu entre l’action et l’attente. Dans l’ombre du « pilier de la vierge », la tension monte. On assiste à la lutte de la cordée qui nous précède, qui se met en danger suite à une mauvaise lecture de voie.
Nous perdons près d’1h30 à les assister, pour récupérer leur corde coincée, puis assurer leur leader pour leur permettre de repartir. La lucidité de Romain, leader de notre cordée sauve leur cordée en perdition. Nous en profitons pour les devancer et leur ouvrir la voie.

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18h14
On avance, les yeux rivés vers le sommet qui se rapproche lentement mais sûrement. Mais nous comprenons vite que la nuit nous rejoindra avant le retour au village.

pilier de la vierge mont aiguille

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20h05
Alors que l’on atteint la dernière longueur, l’excitation et la fatigue se mêlent dans mon esprit. Un dernier pas engagé vers le sommet se transforme un instant en vertige. Et puis…

derniere longueur de la voie normale du mont aiguille

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20h20
Le sommet, enfin !! La récompense de l’effort. La lumière dorée du crépuscule enveloppe le paysage d’une aura magique. Mais même dans la jubilation de la réussite et l’admiration de ce spectacle, on se hâte de replier les cordes pour rejoindre le secteur de descente.

couleurs du soir sur la plaque commémorative au sommet du mont aiguille
cairn au sommet du mont aiguille

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20h35
La descente devient une épreuve à part entière. La lumière baisse et l’obscurité s’installe doucement. Nous luttons contre la fatigue (et le froid) qui s’infiltrent et sortons les lampes frontales pour continuer à progresser dans ces pierriers pentus. Chaque pas devient une énigme dans un puzzle complexe, les rochers se fondant dans l’ombre.

vue depuis le sommet du mont aiguille
nos têtes grimacantes quand on comprend qu'on va dormir dehors
coucher de soleil sur les montagnes

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22h
Impossible de trouver le relais. La perspective d’une descente ce soir s’éloigne, laissant place à l’angoisse et à l’incertitude de passer la nuit ici. Nous prenons la décision d’appeler les secours pour recevoir les conseils du PGHM de l’Isère. Un appel réconfortant et on opte pour une nuit de rêve à flanc de montagne (plutôt qu’un guidage par téléphone pour accompagner notre descente en nocturne, également proposé par le PG)
Je renonce à l’envie de capturer encore quelques images de cette nuit (qui s’annonce pourtant épique) pour préserver les batteries du téléphone. La sécurité d’abord 🙂

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22h30
La nuit devient notre compagne, froide et impitoyable. Sur une corniche, on se blottit l’un contre l’autre, cherchant à garder le plus de chaleur possible dans notre couverture de survie partagée. Nos cordes au sol sont aussi un rempart contre le froid. La nuit s’annonce longue… Malgré l’adversité, on contemple la majesté silencieuse du « Grand Veymont » qui nous fait face, tandis que le ciel scintille d’étoiles (à 1 jour près, on vivait les aurores boréales en direct du Mont Aiguille, mauvais timing lol) . Avec seulement quelques degrés au thermomètre, dans cette petite bataille contre le froid, aucune ressource n’est gaspillée : un sac poubelle devient mon héros improbable, sauvant mes pieds du gel 😉

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Vers 4h/5h (pas certaine de l’horaire)
Dans les ténèbres de la nuit, nos yeux fatigués captent le mouvement de lampes frontales sur la montagne en face. Un sourire timide s’étire sur nos visages épuisés : ces randonneurs se dirigent surement vers les sommets pour le lever du soleil. La fin de nuit est proche, un nouveau jour se lève 😍.

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6h
Le levé est rude ! Le froid de la nuit a laissé son empreinte sur nos corps endoloris : bleus et courbatures seront les trophées de la nuit.

nuit sur une vire du mont aiguille.
hôtel avec vue : une jolie vire abritée par un rocher

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6h45
On repart, fébriles, dans les pierriers. Il nous faudra plus de 3h pour rejoindre la terre ferme. L’esprit et le corps au ralenti, on prend le temps de vérifier chaque manip de corde ou de rappel. Une erreur serait vite arrivée avec seulement quelques minutes de sommeil pendant la nuit.

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10h30
Retour à la terre ferme, après un périple qui a semblé durer une éternité ! Ne reste plus que la marche d’approche à engloutir à nouveau. Une heure de marche qui nous sert de sas vers un retour à la sécurité et à la normalité.
Je profite d’un petit appel au PGHM (prévu pour annoncer notre retour au sol) pour prendre des nouvelles de la cordée que nous avions laissée derrière nous. Ils sont toujours coincés au sommet et seront secouru par le PGHM plus tard dans la journée.

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11h40
Le retour au point de départ marque la fin d’une épopée qui restera à jamais gravée dans nos esprits.
Près de 24 heures passées sur le Mont-Aiguille, notre premier 2000m grimpé et notre premier bivouac improvisé à si haute altitude. Le « Mont Inaccessible » est finalement accessible, mais il nous laissera de sacrés souvenirs à partager.

fin de périple : nos têtes fatiguées face au mont aiguille

Verdict : La voie normale est une voie d’alpinisme plus qu’une voie d’escalade verticale.
Nous n’avons rencontré aucune difficulté technique dans notre progression (nous avons vite abandonné les chaussons d’escalade pour les chaussures de rando pour être confortable, c’est pour dire).
Notre difficulté est plutôt venue dans la gestion et l’optimisation des manip’ de cordes pour rester en sécurité sans perdre de temps, mais aussi dans la lecture de la voie. Les points étant peu nombreux, il est quelquefois difficile de trouver son chemin (tant à la montée qu’à la descente).
La fréquentation de cette voie peut aussi s’avérer problématique. La faible cotation fait s’aventurer des cordées inexpérimentées sur le Mont, qui mettent au final en danger les cordées suivantes, tant par les chutes de pierre que par la lenteur de progression. C’est ce qui nous a valu cette expérience -un peu– malheureuse.
Une expérience qui nous servira de leçon, pour privilégier un départ très matinal, et ainsi limiter les cordées qui nous précèdent !

Mais dès le matin, nous en plaisantions, donc pas de traumatisme de notre côté. Pas certaine que ce soit le cas des 3 grimpeurs qui nous précédaient 🙂

PS : A la cordée de « Yu », nous vous avons bien maudits durant la nuit, mais si vous passez un jour sur cet article, n’hésitez pas à me glisser un petit mot en commentaire, pour nous conter la fin de vos aventures. En espérant que tout s’est bien fini.

Préparez votre ascension du Mont-Aiguille par la voie normale : topo, infos pratiques et conseils

Matériel à prévoir

Matériel nécessaire :
> Casque (chutes de pierres)
> Corde à double de 50 m
> 4 à 5 dégaines
> 2 relais (mousquetons et anneaux de sangle)
> chaussures de rando (chaussons inutiles)
> descendeur et prusik (rappels)

Dans le sac :
> Vêtements chauds et imperméables
> Gants, bandeau, tour de cou
> Eau et encas (barres céréales, pâtes de fruit, oléagineux)
> Couverture de survie
> Lampe frontale
> Batterie externe

Marche d’approche au départ de Richardière

Distance : 4,8 km – Dénivelé : +700 m – Durée : 2h à la montée / 1h15 descente
>> voir la trace >> télécharger le GPX

Randonnée dans les bois jusqu’au col de l’Aupet, puis 20 minutes supplémentaires pour arriver jusqu’à la plaque commémorative (départ des voies Tubulaires et Freychet).
Le départ de la voie normale est à 100m sur la gauche de cette plaque.
Attention aux conditions : au printemps (mi mai) le sentier peut être extrêmement boueux et glissant. Si vous n’êtes pas à l’aise avec ça, pensez aux bâtons de rando.

chaussures badouilleuses, resultat de la marche d'approche du mont aiguille

La voie normale du Mont Aiguille : détails des longueurs

Topo disponible ici : camptocamp.org
Complément de topo : pour plus de précisions (merci Bernard Angelin pour ce partage, il nous aurait bien servi en amont 😉)

Voici nos impressions à la montée :
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Longueur 1 – Les points sont très espacés, mais pas d’engagement particulier.
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Longueur 2 – Passage sans difficulté.
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Longueur 3 – Une longueur mixte d’escalade et de via ferrata
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Longueur 4 – Une longueur mixte d’escalade et de via ferrata. Attention au ruissellement (mi mai). Un passage aérien pour atteindre le « pilier de la Vierge »
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Longueur 5 – Présence de neige au départ de la longueur (mi mai) . Longueur très humide sur la première partie.
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Longueur 6 – Une traversée aérienne en fin de longueur. Le « passage des meules » est très humide.
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Longueur 7 – Une longueur plus engagée que les précédentes avec un mélange d’escalade et de via ferrata. L’ensemble du parcours dans la gorge est très très humide avec des passages dans des névés (mi mai).
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Longueur 8 – Toujours dans la gorge, toujours des névés persistants. Toujours des passages mixtes grimpe et via.
On est surpris par le dernier point, à 20 m du sommet.

Descente du Mont Aiguille par les Tubulaires :

La descente est située 50 m à droite de la sortie de la voie normale, près de la plaque commémorative .
> 200m de descente dans les pierriers
> 2 rappels : 25m puis 40m
> fin de descente dans les pierriers
Pour sécuriser la descente jusqu’au rappel, il est possible de se sécuriser sur des points de la voie des Tubulaires.

descente du mont aiguille par les tubulaires

J’espère que ces quelques infos vous guideront dans votre ascension prochaine. N’hésitez pas à me partager vos impressions si vous vous lancez dans cette jolie ascension ou si vous l’avez déjà faite.

Si ces éléments techniques et pratiques vous inquiètent plus qu’ils ne vous rassurent, alors n’hésitez pas à vous faire accompagner par un guide. Ils sont nombreux à proposer régulièrement cette petite course d’alpi, la rendant accessible au plus grand nombre.


2 Comments

  1. Bonjour,
    Je viens de lire attentivement la relation de votre aventure au Mont-Aiguille. Ce retour d’expérience pourra être avantageusement apprécié par tout apprenti alpiniste ! Au Mont-Aiguille, à plus de 2000 m d’altitude, on est bien en montagne.
    Vous avez bien débriefé la faute majeure du départ tardif qui contrevient à une règle d’or en montagne : toujours garder une marge de sécurité maximum (conseiller 11 heures, c’est encore bien trop tard). Sans oublier qu’au coeur de l’été le risque de l’orage, particulièrement violent sur ce monolithe, aurait agrémenté votre nuit différemment…
    Si le récit est instructif et bien écrit, il n’en va pas de même du topo que vous publiez en ligne. Je trouve assez singulier de donner des informations, alors que précisément, vous n’avez pas été en mesure de prendre en compte ou anticiper toute la finesse du cheminement de cette course dans son ensemble. Pour info, publier un topo vous engage juridiquement, mais heureusement, vous n’avez pas oublié un lien vers le topo CampToCamp.
    Par exemple : le premier rappel ne fait pas 20 m, mais 30 m. Même à 25 m, ça ne passe pas. Le deuxième rappel que vous avez fait, situé au bas du couloir d’éboulis qui fait suite au 1er rappel n’est pas le « bon » rappel. Ce relais chaîné appartient à la voie Freychet, le rappel en est mal commode, il nécessite un pendule à gauche loin d’être évident pour un débutant et il est surtout très exposé aux chutes de pierres qui proviennent du couloir principal. Pour trouver les bonnes lignes de rappel (il y en a 5), il fallait remonter sur la droite après le premier rappel, afin de trouver une large vire avec les différents points d’ancrages, et nécessitant impérativement une longueur de corde de 45 m minimum et pas 40 m.
    Dernière remarque qui vous aurait permis de progresser plus vite avec une meilleure sécurité : dans toutes les voie normales des grands sommets de l’Arc Alpin (y compris Meije ou Cervin), il sera toujours plus rapide et efficace de progresser avec des longueurs de 20 à 25 m de corde (avec anneaux de buste ou 1/2 corde dans le sac). Le Mont-Aiguille ne déroge pas à la règle, tous les relais, révisés récemment sont prévus à cet effet et 3 ou 4 dégaines suffisent. Ainsi, on n’a pas 50 m de cordes qui génère des manips longues, qui peut gêner les autres cordées qui grimpent en parallèle ou que l’on veut doubler, et surtout 50 m de cordes qui traînent et qui balayent tous les cailloux du monde.
    Je suis vraiment désolé d’être un peu donneur de leçon, mais en tant que professionnel de la montagne, cela fait partie de mes obligations déontologiques.
    Bonne continuation à vous, en espérant vous croiser un jour prochain sur nos belles montagnes.
    Cordialement,
    B.A.

    1. Bonjour et merci beaucoup d’avoir pris le temps de ce retour, que je ne prends pas comme un côté donneur de leçon mais bien comme l’expérience qui nous a manquée sur cette ascension.
      Notre courte nuit a du avoir un effet bien plus dévastateur que je l’imaginais sur la descente et notre sens de l’orientation !
      Je supprime donc notre descente pour n’induire personne en erreur, ce qui serait complètement contre-productif.
      Merci encore de votre retour et de vos conseils.

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